C’est un bel après-midi de fin de printemps. Deux camions de l’EPDA se garent près du rocher du Fayet. En descende une bande joyeuse de gamins. Ça rigole, ça chahute et ça s’inquiète un peu aussi. Les professionnels qui les encadrent, ce mardi, sont déjà là. Ils ont préparé « les voies ». Les intervenants d’En Passant Par la Montagne assurent les après-midi « escalade » du dispositif « Accroche-toi », tant pour la sécurité que pour l’apprentissage. Et même si certain râlent déjà que les chaussons sont trop serrés, que ça fait trop mal, suite à la première montée les jeunes déclarent « c’était magnifique, je veux le refaire ! »

« J’ai peur, mais je vais quand même le faire » explique un élève. Il y a quelques années, il est tombé d’un mur d’escalade parce que la personne qui l’assurait l’a lâché. Ses premiers mouvements sont plein d’appréhension, mais rapidement, il s’affirme.

Dans son coin, une autre est en retrait. Elle essaye de se faire discrète, mais elle sait qu’elle devra y passer. « J’ai le vertige. Je fais des efforts, mais c’est un vrai travail pour moi ». Alors, elle démarre doucement son ascension. Même si le parcours qu’elle a choisi est le plus simple, elle doit prendre sur elle.

Encouragée par les éducateurs, les encadrants, la professeure référente, tous équipés pour « grimper », et les jeunes, elle se hisse, un peu fébrile, jusqu’au sommet de sa voie. Et… rien… les adultes et les camarades la soutiennent, la conseillent… mais rien. L’éducatrice décide donc d’aller la seconder, et la rejoint en haut du parcours. Pour le professionnel d’EPPM « il faut garder un bon ressenti à la redescente. Nous devons accompagner la désescalade sans trop la conseiller. Juste être là et la rassurer. Elle va le faire doucement, mais comme elle le veut ». Arrivée au sol, les autres jeunes se pressent autour d’elle, inquiets. Toujours timidement, elle lâche dans un sourire « c’était impressionnant, mais je l’ai fait ». C’était leur première séance d’escalade. Il y en aura d’autre, et ils auront l’occasion de prendre de l’assurance et du plaisir.

Les élèves confient que ces heures hors du temps scolaire les aident, et en escalade, « on est obligé d’être concentré, d’être à fond. Ce sont des moments où on ne pense pas trop à l’école, et ça, c’est bien ».

« ACCROCHE-TOI », UN DISPOSITIF POUR QUOI ?

Tout part d’une observation partagée entre l’équipe éducative de prévention spécialisée et le collège du Verney de Sallanches. Beaucoup de jeunes se retrouvent dans une fragilité qui les éloigne de l’école. L’éducatrice explique que « tous les ans, le même phénomène se répète. Beaucoup de jeunes décrochent, et se retrouvent déscolarisés en cours d’année. Parallèlement, on remarque que les élèves sont toujours de plus en plus nombreux à manquer de confiance en eux. » L’objectif assumé de ce dispositif proposé aux 3èmes est de mettre les élèves en position de réussite afin de valoriser leur potentiel, leurs compétences et de déclencher une dynamique positive. Même s’ils ont tous une problématique singulière, des points communs se retrouvent dans les situations des jeunes (situations personnelles parfois complexes, difficultés de l’équipe enseignante à rencontrer les familles, absentéisme, problèmes de comportement durant les temps scolaires…)

Ce projet s’appuie sur la synergie d’une communauté d’acteurs composée des éducateurs de l’EPDA de Prévention Spécialisée du site, du collège du Verney de Sallanches avec l’engagement de la professeure référente, des professeurs principaux des intervenants extérieurs mobilisables. Le projet est d’inclure les jeunes dans le processus, et la réussite est notamment due à leur implication volontaire et entière, ainsi qu’à celle de leurs familles.

« Nous demandons un réel engagement aux jeunes » indique la professeure référente du dispositif. « Après les vacances d’automne, ils doivent participer à des temps balisés toutes les semaines, en plus de leurs cours. S’ils se saisissent de cette opportunité, ils doivent se présenter tous les mardis de 15h à 17h. C’est obligatoire, comme des heures de cours ! » Ainsi, durant cette année scolaire, les élèves ont participé à 6 ateliers théâtre, 4 séances d’escalade, des sessions de recherche de stage, de création de CV et de lettre de motivation, de préparation à l’oral, des visites d’établissements et du salon de l’apprentissage…

Les intervenants cherchent à travailler l’estime de soi, l’assurance, la fierté de réussir. La présence à chaque séance des éducateurs leur offre l’opportunité de proposer un double accompagnement : individuel et collectif à l’intérieur du collège pendant les ateliers, et à l’extérieur. La professeure référente qui les accompagne tout au long de l’année explique : « c’est un gros avantage pour nous qui ne les voyons que dans l’enceinte de l’établissement. Le regard des éducateurs nous permet de comprendre certaines situations, de mieux les accompagner de notre place. Cette collaboration est riche. Nous n’avons pas la même approche, mais le même objectif ». Elle indique également que le dispositif ne joue pas sur le niveau scolaire des élèves. « Ici, ils viennent chercher de la confiance, un autre regard sur eux, plus de positif. C’est en premier avec ça qu’on se construit. »