L’apprenti arpenteur de rue – Acte II
Dans l’article précédent j’expliquais mes débuts d’intégration en tant qu’apprenti éducateur spécialisé en prévention spécialisée. Je mettais en évidence mes premiers pas en tant qu’arpenteur de rue qui est le cœur de ce métier.
Je découvrais une mission de protection de l’enfance (particulière) accompagné de mes représentations que j’allais déconstruire tout au long de mon cursus de formation. J’appréhendais le travail de rue qui est le moteur de cette action éducative. Je pensais « la rue » comme un milieu sensible et à manier avec beaucoup d’attention. Aujourd’hui, quotidiennement, il représente le premier pilier, indispensable pour rencontrer les jeunes. La rue est avant tout et par définition, l’ensemble des habitants, des commerçants et des maisons qui la compose. Elle est aussi les milieux populaires. En fait, la rue représente mon outil pour créer du lien et aborder ses habitants. Les jeunes s’y rassemblent et je vais à leur rencontre. C’est un lieu d’échange très enrichissant. J’évoquais mes difficultés à me rendre dans leurs environnements et sur leurs terrains de rassemblement. Aussi, je précisais que cette démarche « d’aller vers » demandait de l’assurance, de manipuler la distance et de l’écoute.
Désormais, après une année en prévention spécialisée je vais « vers » eux et « pour » eux.
Pendant une année, j’ai arpenté les rues avec mes collègues en utilisant des itinéraires différents : en passant par le centre-ville, les collèges, les maisons de quartier, en somme les lieux de rassemblement des jeunes. Avant de quitter mon domicile, je me prépare psychologiquement et physiquement à me rendre sur notre territoire d’intervention. Dans un premier temps, je me présente en expliquant les raisons de ma présence. Je discute de ce qui anime leur vie, et la mienne. Une fois identifié et le contact établit, je mets tout en œuvre pour créer l’accroche. Pour ce faire, je m’informe quotidiennement de l’actualité et de ce qui « fait tendance » pour les différentes catégories d’âges sur lesquelles nous sommes missionnés.
J’ai commencé à mettre au travail la notion de partenariat en participant à des réunions avec nos différents partenaires sociaux comme par exemple la mairie (ville), la mission locale jeune, le service animation jeunesse et les bailleurs sociaux me permettant d’avoir une meilleure lecture du territoire et de ses problématiques.
Au regard de ma première année, de mes premières rencontres et de mes premiers accompagnements, je commence à saisir le rôle de l’éducateur de rue : une personne ressource que les jeunes peuvent saisir.
Actuellement, j’accompagne un groupe de jeunes filles adolescentes, qui projette d’aller à Londres.
Avant qu’elles ne me sollicitent pour ce projet, c’est tout un processus qui a permis de les rencontrer. C’est le temps passé à sillonner les rues de la ville qui a débouché sur l’ensemble des actions que je mène aujourd’hui avec elles. Je suis des jeunes majeurs qui rencontrent des difficultés à s’insérer sur le marché du travail, des jeunes collégiens qui avant tout peinent à se projeter vers l’avenir. Je vais à la rencontre de jeunes adolescents qui se trouvent confronté aux influences de groupe de pairs, en besoin d’estime et de reconnaissance. Je vois, j’écoute et j’observe des jeunes dont les situations intra-familiales les mettent à mal. Enfin, j’ai commencé, sous couvert de mon référent de terrain, les accompagnements individuels qui sont des espaces privilégiés pour nourrir une relation et lui donner vie.
Pour me confronter à la réalité du quotidien, je peux compter sur l’équipe éducative qui m’a beaucoup orienté et qui a donné du sens à ma pratique professionnelle. J’effectue cette formation en alternance, les retours sur le lieu de formation me permettent d’établir des ponts entre la théorie et la pratique. Par ailleurs, je commence à être confronté aux premiers écrits de certification qui demandent une charge de travail importante et beaucoup d’engagement pour garder le cap.
Taoufik EL BOUGRINI – apprenti éducateur spécialisé – Thonon